Les effets du Brexit
Le Brexit n’a pas entraîné une « crise majeure » sur les marchés financiers. Certes, les mouvements ont été violents, notamment sur le marché des changes, sur les bourses d’Europe continentale ou sur les actifs refuges, comme l’or ou les obligations souveraines allemandes. Mais l’essentiel de ces mouvements s’est produit à l’ouverture de marches et la journée de vendredi s’est terminée sans grande tendance. La question de cette semaine est de savoir si un véritable Bear market va s’installer en Europe. Va-t-on observer une défiance durable des investisseurs internationaux envers les actifs européens et, naturellement, britanniques ? L’impact du Brexit sur les marchés s’observera cette semaine. Les prochains mouvements de la Livre (stabilisation ou poursuite de la dépréciation) seront déterminants, les banques centrales du G7 l’on clairement indiqué. Une intervention coordonnée est possible si les marchés des changes ne se stabilisent pas. La pression serait trop forte sur le yen et le franc suisse. Une semaine cruciale s’annonce pour les marchés !
Les effets du Brexit…
La surprise sur les résultats du référendum britannique a été totale sur les marchés. Impensable aux yeux de nombreux investisseurs et même pour les bookmakers londoniens, le Brexit est devenu une réelle source d’incertitude pour les marchés. Les investisseurs avaient peu réagi jusqu’à présent aux risques politiques en Europe. Il devrait être une réelle source d’inquiétudes dans les prochains mois, notamment avec l’approche des élections en France et en Allemagne. Ce risque devient d’autant plus déterminant que les sondages s’annoncent peu fiable. Comme le montre encore, ce matin, les élections espagnoles dont même les sondages sortis des urnes n’ont pas anticipé la faiblesse des résultats de Podemos. Le risque politique aux Etats-Unis et en Europe s’annonce majeur pour les investisseurs pour les prochains trimestres.
Mais la réaction des investisseurs au Brexit sur la séance de vendredi peut paraître étonnante. La correction des bourses a été violente mais il n’y a pas eu de mouvement de « panique », malgré des volumes importants. La correction de Wall Street peut même paraître limitée face au violent mouvement d’appréciation du dollar. L’élément le plus important est que la journée, les indices n’ont pas subi une « chute libre » et de flight to quality sur la dette allemande. Certes, le taux à 10 ans allemand a touché observé un nouveau record à l’ouverture des marchés européens, mais il n’a pas terminé la semaine sur ces niveaux. Les investisseurs ont ajusté leurs portefeuilles, comme le montrent les importants volumes, mais avec un certains calme et pas dans une ambiance de crise financière. Comment expliquer cette sérénité relative ?
- Le Brexit contribue sans conteste à épaissir le brouillard sur les perspectives de croissance économique européenne et mondiale. Certes, à court terme, rien ne changera et le processus sera long. Les résultats des entreprises de la zone euro ou américaine ne sont totalement remis en cause à horizon d’un an. Le principal risque de court terme réside dans l’impact comptable des mouvements de taux de change et dans le comportement d’investissement des entreprises britanniques et étrangères au Royaume-Uni. Mais, il est difficile d’évaluer précisément l’impact économique, en termes de croissance, du Brexit cette année ou l’année prochaine. Mais cet évènement ne devrait pas remettre en cause le redressement de l’activité économique dans la zone euro, redressement qui s’est appuyé ces derniers trimestres sur la demande intérieure et non sur les exportations.
- Le comportement de la livre et de l’euro sur le marché des changes reste crucial pour le comportement de nombreux investisseurs. L’absence de « panique » sur les marchés peut aussi s’expliquer par l’attente d’une réponse politique au Brexit. Les responsables politiques européens doivent éviter un risque de contagion dans l’Union Européenne et apporter des solutions concrètes pour l’Europe de la défense et les mécanismes au sein de l’UE. Les investisseurs seront aussi sensibles à la stratégie autour du Brexit: Quel statut pour le Royaume-Uni et quelles relations avec l’UE ? Rapidité des négociations de sortie ? Front uni ou non contre l’Angleterre ? Risque ou non de scission du Royaume-Uni ? Les incertitudes autour du Brexit sont importantes et le comportement de la livre sera l’indicateur privilégié de la perception des risques. Une chute de la devise anglaise et de l’euro pourrait rapidement peser sur les marchés actions internationaux (et inversement). Le choix de l’Europe est cornélien. Une rupture lente limiterait les impacts les impacts économiques potentiels sur les échanges mais augmenterait l’incertitude de moyen terme et les risques de contagions au sein de l’UE. Vendredi, les investisseurs n’ont pas sur-réagi au Brexit, mais il existe, pour cet été, un nouvel indicateur de risque : le marché des changes se substitue aux cours du pétrole au début d’année. Cette semaine, le sommet européen sera déterminant pour cette perception du risque britannique sur les marchés.
- Les investisseurs ont pu être rassurés par les déclarations très volontaires des banquiers centraux. Les membres du G7 ont rarement été aussi précis sur la possibilité d’une intervention concertée sur le marché des changes. Les banquiers centraux sont prêts à tout pour limiter la volatilité des taux de changes à court terme, limitant les prises de positions spéculatives potentielles sur ce marché. De plus, face au risque d’instabilité, les investisseurs ont été confortés dans leur idée d’un statu quo du Fed cette année. La présidente de la Réserve Fédérale, Janet Yellen, doit s'exprimer publiquement mercredi au cours d'un déplacement au Portugal et les investisseurs s'attendent à ce qu'elle évoque le Brexit et ses conséquences sur l'économie comme sur la politique monétaire. Si la conjoncture économique s’améliore réellement, face à un Fed encore très accommodant, la situation serait très positive pour Wall Street. Les prochains indicateurs sur le marché du travail américain restent déterminants. Certes, les analystes devront intégrer un « effet change » négatif avec l’appréciation du dollar. Mais les entreprises américaines pourraient bénéficier d’une économie domestique plus solide. Les « effets contagions » pourraient être limités (hormis les « effets comptables » des variations de taux de change à court terme) pour Wall Street. Et lorsque le S&P 500 va bien, l’ensemble des bourses mondiales sont en hausse !
- Le fait que les actifs « sans risque » offrent un rendement négatif a limité l’impact du choc Brexit sur les actifs risqués. Les investisseurs, toujours à la recherche de rendement, peuvent rapidement revenir sur les dettes souveraines « périphériques » ou des entreprises en cas d’écartement important des spreads. La perception des risques reste élevée, mais la recherche de rendement pousse les investisseurs à accepter plus de risque. Ainsi, les dettes espagnole ou portugaise, qui offrent un rendement plus important, peuvent paraître plus attrayantes…
Pas de crise financière, mais une longue phase d’incertitude s’ouvre sur les marchés avec ce Brexit. Le comportement de la livre et de l’euro cette semaine sera déterminant pour l’orientation des marchés et la perception de ce risque. Il est encore trop tôt pour dire si les risques associés au Brexit sont totalement intégrés par les investisseurs. Son impact économique est mal connu et il devrait être plus important à moyen/long terme qu’à court terme, ce qui milite pour que les investisseurs ne s’attardent pas trop sur ce risque. Mais les prochains jours restent déterminants : les investisseurs institutionnels, notamment non-résidents, vont-ils sont fortement sous pondérer l’Europe dans leurs actifs ? Les choix alternatifs d’investissement sont limités. Ils peuvent difficilement re-pondérer les économies émergentes face à une augmentation de l’incertitude sur les perspectives économiques mondiales. Nous n’anticipons donc pas de « crise financière » majeure autour de ce Brexit. Mais le comportement des marchés financiers cette semaine sera déterminant !
C. Parisot
Chef Economiste